Vendre des livres canadiens au Japon – L’édition en langue japonaise (washo)

By Gabrielle Etcheverry Date: Août 24, 2021

Dans notre dernière publication, nous avons présenté notre guide de marché 2020, Selling Canadian Books in Japan: A Guide for Canadian Publishers (3e édition), rédigé par Mark Gresham et Frank Foley. Dans celle-ci, nous examinons certaines caractéristiques générales du marché de l’édition en langue japonaise (washo), qui offre des possibilités de vente de droits de traduction.

Un aperçu du marché washo

D’après l’association des éditeurs de magazines et de livres de l’ensemble du Japon (Zen Nihon Shuppan Kyokai), le marché japonais du livre en 2018 valait 731 milliards de yens (8,6 milliards de dollars canadiens), ce qui représente une baisse de 2,3 % annuellement depuis 2017. Le format imprimé représentait 96 % des ventes de livres. Le nombre de nouveaux titres a également connu une baisse, passant de 81 000 environ en 2014 à 75 000 en 2018, et le nombre de livres vendus a diminué de 3,4 %, pour atteindre environ 571 millions d’exemplaires. Parmi les ouvrages imprimés, les livres grand public représentaient 54 %, les bunko de grande distribution 32 % et les shinsho de taille moyenne 7 % (bunko est le format japonais de grande distribution, 105 mm x 148 mm, et le format shinsho est un peu plus grand, 103 mm x 182 mm). La part de marché des titres traduits est estimée à 10 %, avec environ 4 000 nouveaux titres chaque année. En 2017, le Japon a importé des livres en langue anglaise pour une valeur estimée à 25,2 milliards de yens (296 millions de dollars canadiens), soit une hausse de 5 % annuellement (voir les statistiques d’importation de documents imprimés du gouvernement japonais basées sur les factures des éditeurs, https://www.customs.go.jp/toukei/info/index_e.htm). Ensemble, les États-Unis et le Royaume-Uni représentaient environ la moitié de ce total.

Le secteur japonais du livre se heurte à de grands défis structurels. Les problèmes sont profondément ancrés dans le marché, de sorte qu’un changement significatif, bien que déjà en cours, prendra du temps. L’enjeu sous-jacent est la force disproportionnée des éditeurs. Les cinq plus grands éditeurs (sur un total de 3 058 en 2018) représentent 39 % des ventes. Ils possèdent près de 25 % de chacun des deux plus grands distributeurs, Nippan et Tohan. Indirectement, cela leur permet d’exercer un contrôle sur les linéaires des détaillants et le placement des livres. Ils sont également propriétaires du détaillant de livres numériques Pubridge, ce qui leur donne un avantage considérable dans le domaine du numérique. Par l’intermédiaire de sociétés du groupe, ils possèdent aussi des plates-formes électroniques, imprimées et de médias sociaux pour la promotion, ou y ont accès. De plus, en raison de l’absence d’un système d’agents littéraires au Japon, les auteurs n’ont pas de tierce partie indépendante pour les guider; ils ont donc tendance à soutenir la position de leurs éditeurs sur les questions liées au secteur.

Les éditeurs ont tiré parti de leur force pour maintenir plusieurs pratiques établies depuis longtemps, comme le système de fixation du prix de détail et les ventes en consignation. Les documents protégés par le droit d’auteur, notamment les livres, sont exemptés de la restriction de la loi anti-monopole japonaise sur la fixation des prix de revente. Dans le cadre d’une pratique volontaire datant de près de 110 ans, les éditeurs, les grossistes et les détaillants conviennent, par le biais de contrats formels, de maintenir le prix de détail fixé par l’éditeur. Bien que le gouvernement japonais et la Commission japonaise du commerce équitable aient tenté d’abolir cette pratique, plus particulièrement en 2001, les droits acquis ont jusqu’à présent réussi à résister à tout changement significatif.

Les éditeurs ont également utilisé le système de consignation pour pousser des quantités excessives de nouveaux titres vers le marché. Les détaillants passifs finissent par renvoyer une moyenne de près de 40 % de stocks d’invendus, uniquement pour faire de la place à la prochaine livraison de nouveaux titres. Les éditeurs soutiendront que le système de consignation profite aux consommateurs, car il permet de distribuer de petites quantités de nouveautés et de titres de fond, même dans les régions les plus reculées du pays, à un prix de détail fixe. La réalité, cependant, est que le système est inefficace et ne répond pas aux besoins des clients d’aujourd’hui. Un changement s’avère donc inévitable.

Les tendances dans l’édition grand public locale

Les best-sellers japonais appartiennent généralement aux catégories suivantes :

  1. Livres de fiction primés, notamment le prix Akutagawa, le prix Naoki et le prix des libraires.
  2. Livres de développement personnel, récemment sur l’alimentation (« reset » du corps), mode de vie (conciliation travail-vie personnelle), santé mentale (bonheur, yoga DIY).
  3. Publications religieuses de deux grandes sectes bouddhistes.

Pour ce qui est des livres jeunesse, le sujet de l’heure depuis de nombreuses années tourne autour du caca. Les deux séries les plus vendues sont « Détective Popotin » (oshiri tantei), de Poplar, qui est apparue pour la première fois en 2012 et est maintenant présentée en dessins animés sur la chaîne publique NHK, et la collection de livres d’exercices de kanji (caractères chinois) à six niveaux « Poop Kanji Drill » (unko kanji doriru), publiée par Bunkyo en 2017.

À quelques exceptions remarquables près, comme Kazuo Ishiguro et J.K. Rowling, les auteurs étrangers ne figurent pas normalement sur les listes de best-sellers au Japon. Il existe quelques exceptions ponctuelles, comme Lessons from Madame Chic, de Jennifer L. Scott, en 2015, et une adaptation en manga de Seven Habits, de Stephen Covey, en 2014, mais elles sont rares.

Les titres traduits les plus vendus

Dans le segment de la non-fiction, les titres traduits obtiennent de bons résultats dans les domaines des affaires et du développement personnel. Parmi les titres récents les plus vendus dans le domaine des affaires, mentionnons Shoe Dog (Toyokeizai) de Phil Knight, qui a atteint la 10e place sur la liste Tohan des ouvrages d’affaires en 2018. Deux ouvrages traduits ont figuré sur la liste des best-sellers d’affaires de 2017 : Grit (Diamond), d’Angela Ducksbury, s’est classé au 4e rang et Life Shift (Toyo Keizai), d’Andrew Scott, au 10e rang. En 2016, The Bulletproof Diet (Diamond), de Dave Asprey, s’est classé 10e.

Dans la fiction, le polar est le genre le plus populaire, et la liste des gagnants et des nommés du Kono Misu Ga Sugoi sert de facto de liste des best-sellers. Les deux auteurs les plus en vue sont Anthony Horowitz, publié par Tokyo Sogensha, et Don Winslow, publié par HarperCollins Japan. Horowitz a remporté le prix Kono Misu deux années de suite, en 2019 et 2020, pour Magpie Murders et The Word is Murder. Winslow, ancien lauréat avec Power of the Dog en 2010, s’est classé deuxième en 2020 pour The Cartel et au cinquième rang en 2019 avec The Force.

Le Prix des libraires japonais a également une catégorie distincte pour les livres traduits. Parmi les récents lauréats figurent Magpie Murders d’Anthony Horowitz, Caraval (Kino Books) de Stephanie Garber, Giv: The Story of a Dog and America (Bungei Shunju) de Boston Teran, All the Light We Cannot See (Shinchosha) d’Anthony Doerr et United States of Japan (Hayakawa) de Peter Tieryas.

Book Meter (dokusha meta), la version japonaise de Goodreads, constitue un excellent indicateur en temps réel de ce qui se vend au Japon. Parmi les ouvrages traduits figurant sur leur liste en 2019, citons Factfullness, de Hans Rosling et Anna Rosling Ronnlund, différents livres de Yuval Noah Harari (SapiensHomo Deus et 21 Lessons for the 21st Century) et Momo, de Michael Ende.

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