Vendre des livres canadiens au Japon : le marché du livre importé (yosho)

By Gabrielle Etcheverry Date: Septembre 07, 2021

Dans le dernier extrait de notre guide de marché 2020, Selling Canadian Books in Japan: A Guide for Canadian Publishers (3e édition), rédigé par Mark Gresham et Frank Foley, nous vous présentons quelques conseils sur les possibilités offertes dans les plus importants segments du marché japonais des livres importés (yosho).

Les livres importés représentent 3,3 % du marché japonais des livres imprimés, et les trois principaux pays exportateurs de livres imprimés sont les États-Unis, le Royaume-Uni et la République populaire de Chine. Le Canada s’est classé dans le quart inférieur des 20 plus importants pays d’importations depuis au moins les 10 dernières années.

Les livres universitaires/de référence/professionnels

Bien que des données précises ne soient pas disponibles, les meilleures estimations indiquent que, en valeur, les livres universitaires représentent bien plus de la moitié des livres importés, en raison de la grande proportion de titres spécialisés à prix élevé. Les éditeurs vont des petites maisons d’édition spécialisées aux grandes entreprises comme Elsevier, Springer/Nature, Taylor & Francis (Routledge), Oxford University Press et Cambridge University Press. Parmi les éditeurs canadiens représentés dans cette catégorie figurent University of Toronto Press, University of British Columbia Press et McGill–Queen’s University Press. Les sous-catégories comprennent notamment les monographies, les manuels scolaires, les ouvrages en plusieurs volumes et les livres de référence. Par région, les États-Unis et le Royaume-Uni se taillent la part du lion, le Canada, l’Europe continentale, l’Asie et l’Australie étant bien représentés. Les importations de livres allemands, français et chinois sont également importantes.

Selon Far Eastern Booksellers, les disciplines qui enregistrent les meilleures ventes sont le droit, les relations internationales et la politique, les études régionales (notamment les livres sur l’Asie de l’Est) et les livres ayant trait aux sports et aux Jeux olympiques de Tokyo 2020. Les objectifs de développement durable (ODD) constituent un sujet d’actualité au Japon, et les livres sur ce thème se vendent bien. L’économie et l’histoire économique, en revanche, ne se vendent pas aussi bien que par le passé. Les ouvrages de linguistique continuent de bien fonctionner.

Les budgets consacrés aux livres universitaires sont sous pression. Les tendances démographiques sont l’un des facteurs en cause. La population japonaise est en baisse depuis 2011 et en 2019, le pays a connu une diminution nette de 500 000 habitants. Cela exerce une pression énorme sur les universités pour qu’elles allouent une plus grande part de leurs budgets au recrutement et à la rétention des étudiants et, par conséquent, moins aux livres universitaires, aux bibliothèques et à la recherche. Les compétences en anglais des étudiants universitaires japonais sont généralement faibles, ce qui signifie que les budgets consacrés aux livres sont utilisés pour des ouvrages de niveau inférieur.

Un autre facteur est la part croissante des budgets des bibliothèques qui est consacrée aux revues, pour couvrir les augmentations annuelles des prix des abonnements. Cette situation a un impact à la fois sur les livres japonais et sur les livres importés.

Les fonds consacrés à la recherche sont également en baisse. On estime que 60 % des chercheurs reçoivent moins de 500 000 yens par an, 35 % touchant moins de 300 000 yens. Le gouvernement offre toujours des bourses de recherche spéciales (kakenhi, aide financière pour la recherche scientifique), mais le nombre de candidats a augmenté, ce qui les rend très compétitives.

Pour souligner davantage les difficultés financières des universités japonaises, ajoutons que même les budgets des ressources humaines sont réduits, le personnel à plein temps des bibliothèques étant remplacé par des services de sous-traitants à moindre coût.

L’un des bénéficiaires de ce marché de plus en plus sensible aux prix est Amazon Japon. Avec des budgets réduits, les universitaires et les chercheurs se tournent inévitablement vers Amazon, où les prix sont inférieurs à ceux pratiqués par les libraires japonais « traditionnels ».

Les marges des libraires sont également comprimées. La plupart des libraires universitaires continuent à appliquer une marge de 1,3 à 1,5 fois le prix courant original et à négocier une remise avec les clients. Il est de plus en plus fréquent que plusieurs libraires proposent le même titre à un établissement dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres qui, dans certains cas, aboutit à des remises très importantes. Confrontés à des marges serrées et à la concurrence d’Amazon, certains libraires traditionnels commencent à examiner des façons de rationaliser leur modèle commercial et de créer davantage de valeur pour les éditeurs.

Une évolution positive digne de mention est la croissance des nouvelles universités privées, 114 ayant été ouvertes depuis 2000. L’un des facteurs de cette croissance est un programme soutenu par le gouvernement, lancé en juillet 2008, qui vise à porter à 300 000 le nombre d’étudiants internationaux dans les collèges, universités et établissements d’enseignement supérieur japonais d’ici 2020. En mai 2018, on en comptait 137 000, dont près de 90 % provenaient d’Asie.

L’enseignement de l’anglais

Le marché de l’enseignement de l’anglais peut être divisé en deux catégories : 1) les écoles, de l’élémentaire au secondaire, et 2) les écoles de langues privées et les universités. Le marché des écoles est important – 38,9 milliards de yens ou 467 millions de dollars canadiens –, mais il est très réglementé et dominé par les éditeurs japonais. Les écoles de langues privées et les universités, quant à elles, achètent activement du matériel pédagogique auprès d’éditeurs étrangers. Bien que des données précises ne soient pas disponibles, des spécialistes du secteur estiment que les ventes des éditeurs étrangers aux écoles de langues privées et aux universités s’élèvent à environ 7,6 milliards de yens (91 millions de dollars canadiens) par année.

Le marché global des livres pour l’enseignement de l’anglais est resté stable ces dernières années, mais notons plusieurs points positifs. Le rapport Yano 2018 sur le marché de l’apprentissage des langues fait état d’une tendance générale favorable à l’anglais pour la communication. Il existe trois segments de marché significatifs. Le premier est le marché des entreprises, certaines suivant l’exemple d’UNIQLO et de Rakuten en accordant plus d’importance (et de récompenses) aux compétences en matière de communication en anglais. Cela a donné naissance à un nouveau type (amusant) d’école de langue privée, sur le modèle des cours de conditionnement physique. Cela a commencé avec des chaînes comme « RIZAP » et Study Hacker English, mais les écoles de langues traditionnelles suivent désormais le mouvement, notamment ECC, qui a lancé sa version, appelée « ENVISION », en avril 2018. Un autre secteur est le marché des écoles secondaires/universités, où les universités peuvent désormais choisir parmi une gamme de tests de compétence reconnus à l’échelle internationale, dont beaucoup mettent l’accent sur la communication. Le troisième secteur est celui des personnes âgées qui apprennent l’anglais, pour être guides bénévoles lors de la Coupe du monde de rugby de 2019 et des Jeux olympiques de 2020, ou encore pour partir en voyage prolongé à l’étranger après leur retraite.

Malgré la chute du taux de natalité au Japon, le nombre d’enfants qui apprennent l’anglais est également en hausse. L’un des principaux moteurs de cette évolution est l’introduction de l’anglais comme matière obligatoire à partir de la troisième année du primaire, à compter de 2020. Comme tous les manuels utilisés dans le système scolaire public sont approuvés par le ministère de l’Éducation, il est peu probable qu’un livre non publié au Japon soit adopté pour être utilisé en classe. Toutefois, cette modification du programme scolaire a également des répercussions sur le marché de l’enseignement préscolaire, les parents souhaitant donner une longueur d’avance à leurs enfants.

Bien qu’il soit attrayant pour les éditeurs étrangers, le marché japonais de l’enseignement de l’anglais est très concurrentiel et nécessiterait des investissements importants dans la création de contenus locaux pour faire des percées significatives. Tous les éditeurs étrangers qui connaissent du succès – comme Oxford University Press, Pearson, Cambridge University Press et Cengage – sont établis au Japon depuis de nombreuses années et emploient des éditeurs et des vendeurs hautement qualifiés.

L’édition grand public/générale

Il est indéniable que le niveau généralement faible de maîtrise de l’anglais au Japon limite le marché des livres grand public importés. Contrairement aux universitaires, qui sont souvent des lecteurs très compétents (du moins dans leur domaine), la plupart des Japonais ne seraient pas en mesure de lire un livre dans une langue étrangère. Cela dit, le Japon importe encore une grande variété de livres grand public en anglais et dans d’autres langues étrangères. Selon Miyoshi Co. Ltd, l’un des cinq principaux importateurs japonais de livres grand public, il existe deux raisons qui motivent l’achat d’un livre en langue étrangère, même si une traduction japonaise est offerte. La première est que les lecteurs veulent « sentir » l’histoire dans sa langue d’origine. L’autre est le sentiment d’accomplissement que procure le fait d’être capable de lire une œuvre de fiction dans une langue étrangère, même si ce n’est qu’en partie, surtout après avoir étudié cette langue depuis l’enfance. Il y a également un certain prestige à être vu avec un livre en langue étrangère, par exemple, en se rendant au travail ou en relaxant dans un café.

Le Japon est considéré comme un « marché libre ». Il est courant de trouver, côte à côte dans les librairies, les éditions américaine et britannique d’un même livre – par exemple, la série Harry Potter de Bloomsbury (Royaume-Uni) et de Scholastic (États-Unis) –, à des prix différents. Les accords entre éditeurs et importateurs sont rarement exclusifs, de sorte qu’il est possible pour plusieurs importateurs de faire venir le même livre et de le vendre selon leur propre politique de prix. Comme de nombreuses librairies ne connaissent pas les plus récents succès et les dernières tendances de l’édition étrangère, les importateurs prennent souvent l’initiative et distribuent « sur approbation », en fonction des habitudes d’achat et des volumes précédents. Pour les titres connus, les libraires commanderont à partir de fiches de commande.

Les ventes de livres reliés sont limitées. Selon Miyoshi, les livres reliés dépasseraient rarement 10 % du volume total des ventes, en supposant un décalage entre les dates de sortie de l’édition reliée et du livre de poche. Il n’est pas rare de voir des soldes « livre relié au prix du livre de poche ».

Pour fixer le prix de vente en yens, les importateurs majorent généralement le prix d’origine en dollars américains ou en livres sterling de 1,2 à 1,5, avec une remise au détail habituelle de 30 %. À moins de changements radicaux dans les taux de change, les importateurs maintiennent ce prix pendant au moins un an. Les importateurs ont généralement des accords avec les éditeurs qui leur permettent de détruire/retourner une moyenne annuelle de 10 % des stocks invendus en échange d’un crédit.

Parmi les auteurs de best-sellers en anglais – la plupart traduits en japonais –, mentionnons Dan Brown, Tom Clancy, Frederick Forsythe, Patricia Cornwell, Stephen King et, bien sûr, J. K. Rowling. Agatha Christie et Arthur Conan Doyle se vendent bien également. Comme pour le marché de la traduction, le genre policier/suspense fonctionne très bien.

Les livres jeunesse

La valeur des importations de livres pour enfants en 2018 était de 3,38 milliards de yens (39,7 millions de dollars canadiens). Les livres jeunesse en anglais sont très bien représentés dans un grand nombre de librairies à l’échelle du pays. Soulignons en particulier les magasins « mode de vie » de Tsutaya, où les livres en anglais sont souvent intercalés entre des titres japonais et même exposés avec d’autres catégories d’articles, comme les jouets et les vêtements.

Toutefois, selon Ehon House Publishing, le segment le plus important est celui des bibliothèques des écoles primaires et secondaires. Les importateurs comme Ehon House, Miyoshi Co. Ltd. et Tokyo Bookland font la promotion de titres et de campagnes par l’intermédiaire du distributeur spécialisé dans les bibliothèques, Toshokan Ryutsu Center (TRC), afin de les inclure dans leur catalogue annuel de publications étrangères, en payant une petite somme pour chaque titre ou groupe de titres. Un supplément mis à jour du catalogue est créé trois fois par année et utilisé lors d’expositions destinées aux bibliothécaires scolaires qui ont lieu six ou sept fois par année partout au pays. Ehon House possède également une salle d’exposition dans le centre de Tokyo où les enseignants, les bibliothécaires et le personnel de vente de TRC peuvent se rendre et voir les livres.

Les représentants des grandes maisons d’édition de livres jeunesse font activement la promotion des nouveaux titres auprès des importateurs mais, en réalité, une grande partie du marché est constitué de titres et de séries classiques, qui se vendent depuis longtemps. Citons par exemple Where the Wild Things Are et d’autres titres de Maurice Sendak, les livres d’Eric Carle tels que The Very Hungry Caterpillar, et les livres des séries Curious George et Clifford. Cela s’explique notamment par le fait que les élèves et les enseignants du primaire connaissent bien ces histoires et ces personnages. Les manuels scolaires approuvés par le ministère de l’Éducation contiennent souvent des références ou des réimpressions partielles de livres comme ceux-là.

Avec l’introduction de l’anglais comme matière obligatoire dès la 3e année à partir de 2020, les livres contenant des éléments d’enseignement de l’anglais, comme des CD de livres avec narration, se vendent très bien. Les collaborations avec des maisons d’édition coréennes liées à l’enseignement de l’anglais et avec certaines autres maisons d’édition basées en Asie sont courantes. Pour ajouter de la valeur à l’ensemble, l’importateur ajoute souvent un guide en japonais destiné aux enseignants et aux parents, dont les compétences en anglais sont souvent limitées. Des ouvrages complémentaires, comme des dictionnaires illustrés pour enfants et des livres de vocabulaire, sont également regroupés pour être vendus en bibliothèque.

 

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