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En 1982, on assiste au Canada à une véritable refondation constitutionnelle. Ce moment est généralement vu comme l’émanation du génie d’un « Grand législateur », Pierre Elliott Trudeau, cherchant délibérément à mater le mouvement indépendantiste québécois. Or, cette interprétation de notre histoire récente est réductrice. Par une histoire sociopolitique du mouvement nationaliste constitutionnel, qui naît avec la Grande Dépression, ce livre montre comment Trudeau doit plutôt être compris comme le dernier acteur entré sur scène, qui s’appuie sur le scénario écrit par ses prédécesseurs, comme Francis Reginald Scott. La refondation de 1982 se dessine dès les années 1930. On cherche alors à ce que le Canada acquière sa pleine indépendance de Londres, qu’il se donne une charte des droits, à l’image du Bill of Rights étatsunien, que son droit devienne évolutif afin d’être au diapason des besoins changeants de la société et, enfin, que le nationalisme canadien supplante l’appartenance à l’Empire britannique. L’objectif ultime du projet nationaliste constitutionnel vise ainsi l’émancipation des individus égaux en droit face à un État devenant rapidement autoritaire en contexte de crise. Noble en soi, cette quête émancipatrice se révèle néanmoins un carcan dominateur pour les nations minoritaires. Celles-ci doivent effectivement accepter de se conformer aux normes du nouvel ordre constitutionnel et de se fondre dans une seule nation politique canadienne. En plus de nuancer et de situer le rôle joué par Trudeau, ce livre offre une analyse rigoureuse et accessible du déficit d’hospitalité du Canada envers ses nations minoritaires.