Campfire in the Wilderness with the Northern Lights

Compte rendu 1 de la conférence Books Meet Rights – Pleins feux sur la littérature finlandaise nordique

By Gabrielle Etcheverry Date: Mars 28, 2022

La deuxième édition de la conférence numérique Blackhole: Books Meet Rights, le mois dernier, a offert une excellente occasion de découvrir le marché finlandais du livre et d’en savoir plus sur certaines de ses tendances et questions actuelles. Organisée par la Oulu Writers Association en partenariat avec plusieurs autres organismes culturels et d’édition finlandais, la conférence est conçue à la fois comme un moyen de mettre en valeur la littérature finlandaise nordique et comme « un réseau international de littérature axé sur la traduction et la vente de droits à l’étranger ».

Même si son territoire est beaucoup plus petit que celui du Canada, la Finlande présente plusieurs caractéristiques communes avec ce pays, notamment parce que tous deux sont des « démocraties parlementaires nordiques; leur géographie, leur climat et leurs ressources naturelles sont similaires, et ils ont tous deux des économies axées sur la technologie ». De plus, comme le Canada, la Finlande est une nation officiellement bilingue, le finnois (86,9 %) et le suédois (5,2 %) étant reconnus comme les langues officielles du pays; elle compte également un grand nombre de lecteurs de livres et un taux d’alphabétisation élevé.

Les traductions et la littérature finlandaise dans le monde

Si plus de 50 % des quelque 7 000 titres de fiction publiés en Finlande en 2019 étaient des traductions, la littérature finlandaise est elle aussi traduite et vendue partout dans le monde, avec des ventes croissantes vers des territoires anglophones comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Des organisations nationales comme l’association des éditeurs finlandais et le Finnish Literature Exchange (FILI) soutiennent l’édition finlandaise et la publication de livres finlandais traduits dans le monde entier.

La notoriété mondiale de la littérature finlandaise n’est pas nouvelle. En effet, les bandes dessinées et les livres jeunesse des « Moomins », de la créatrice finlandaise Tove Jansson, sont un exemple de littérature finlandaise bien connue et appréciée, traduite en plusieurs langues et lue dans le monde entier. Plus récemment, des auteurs finlandais comme Kati Hiekkapelto, auteure de romans noirs nordiques, et Rosa Liksom, une écrivaine primée, ont également attiré l’attention internationale grâce à plusieurs ententes de traductions et adaptations de leurs œuvres à l’écran. Des ouvrages documentaires tels que The Sauna Cookbook, de Katariina Vuori, ont également bénéficié d’une plus grande diffusion mondiale grâce à de nombreuses traductions et à des émissions de télévision comme Uncharted, de Gordon Ramsay, diffusée sur le réseau National Geographic.

La littérature et les auteurs nordiques

L’une des nombreuses séances intéressantes de la conférence Blackhole de cette année a mis en lumière la littérature finlandaise du nord et l’expérience de deux auteurs nordiques, Sami Lopakka et Simo Hiltunen. Dans leur entretien avec Jyrki Korpua, les deux auteurs ont discuté de leur processus d’écriture, des thèmes les plus fréquents dans leurs œuvres et de certaines des particularités de l’écriture dans (et sur) le nord. Comme le soulignait J. Korpua, la littérature finlandaise nordique est souvent caractérisée comme étant à la fois humoristique et sombre, ce qui permet aux auteurs du nord d’aborder des thèmes et des histoires difficiles, tout en conservant un sentiment de légèreté.

Sami Lopakka, qui est également connu pour sa carrière musicale en tant que guitariste d’un groupe de métal finlandais, a publié deux romans, Marras (2014) et Loka (2019) – les deux premiers livres d’une trilogie basée sur les formes courtes du nom des mois de novembre (marraskuu), octobre (lokakuu) et septembre (syyskuu), d’où chacun des ouvrages tire son titre. Lorsqu’on lui a demandé de décrire son travail, S. Lopakka a indiqué que son public qualifie son travail comme étant sombre et plein d’humour noir. Faisant écho à la caractérisation de la littérature nordique par J. Korpua, S. Lopakka a décrit la « mélancolie du nord » comme étant profondément liée à la forêt et comme une caractéristique commune à de nombreuses cultures nordiques.

Alors que l’utilisation par S. Loppaka d’une trilogie sur le thème de l’automne représente un moyen d’aborder les questions de mortalité (ce qu’il a appelé un « rappel que nous ne sommes pas éternels »), l’approche de l’écriture de Simo Hiltunen est davantage motivée par la langue – « les histoires sont toujours venues après la langue », a-t-il expliqué. S. Hiltunen a été traduit en quatre langues; mentionnons notamment une traduction française par Anne Colin du Terrail de son roman policier, Si vulnérable, publiée par la maison parisienne Fleuve éditions, en 2018. La négociation des droits de traduction de ses œuvres a été menée par son éditeur finlandais par l’intermédiaire d’une agence qui a su trouver des éditeurs internationaux intéressés non seulement par le genre S. Hiltunen travaille actuellement sur deux manuscrits; l’un est un roman policier ayant des liens potentiels avec ses deux premiers romans, tandis que le second porte sur l’histoire du nord de la Finlande. Bien qu’il décrive son travail sur l’histoire nordique comme étant aussi lugubre (mais pas dans le genre policier), cette œuvre correspond davantage à son intérêt pour l’histoire en général.

Lorsqu’on leur a demandé comment ils réussissent à écrire malgré leur emploi à plein temps, les deux écrivains ont indiqué qu’ils prennent des notes au fur et à mesure que les idées leur viennent au cours de la journée. Malgré cette pratique, S. Hiltunen a expliqué que même s’il prend des notes sur son téléphone pendant la journée, il doit se réserver du temps devant son clavier pour vraiment écrire. « Je suis le plus honnêtement moi-même lorsque j’écris, a-t-il précisé, et c’est pour cela que j’écris. » De même, S. Lopakka a décrit son rythme d’écriture comme étant « lent mais régulier » et prenant beaucoup de temps pour écrire, ajoutant que les longs hivers du nord sont propices à la réflexion et procurent le « calme » nécessaire à l’écriture.

À l’instar de l’expérience des écrivains et des éditeurs canadiens qui travaillent en dehors des villes et des centres culturels les plus peuplés, les auteurs finlandais qui vivent et écrivent dans le nord se trouvent à la périphérie du centre culturel et financier de la Finlande, la capitale Helsinki. Même s’ils ont l’impression d’« écrire dans le noir », S. Lopakka explique que déménager plus au sud ou dans d’autres pays n’est pas une option pour de nombreux écrivains du nord qui choisissent d’y rester et qui trouvent leur inspiration littéraire dans la région. Quant à la question de l’écriture dans l’obscurité dans une région aussi éloignée du centre, S. Hiltunen a ajouté : « Si vous vous y prenez bien, vous pouvez être la lumière dans l’obscurité. »